lundi 10 octobre 2011

Analyse de la percée d'Arnaud Montebourg


"Face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement." - Francis Blanche.
 
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Il est la grande surprise du premier tour des primaires socialistes. Même si, comme le rappelle Jean-François Copé avec un brin de provovation, il ne s'agit que du vote d'un français sur 25, le choix de près de 350 000 électeurs ne peut être considéré comme négligeable. Au-delà du volume et du poids qu'il représente, c'est le succès de la campagne d'Arnaud Montebourg qui interroge. Son score a presque doublé en un mois! L'analyse de cette réussite n'est pas seulement intéressante en terme politique, mais également pour comprendre l'effet déclencheur d'un succès - une histoire de start up, en quelque sorte.
 
Arnaud Montebourg a construit sa démarche en deux phases:
 
1- Le seuil d'éligibilité
 
C'est l'étape la plus longue, celle qui consiste à atteindre un niveau de légitimité suffisant pour se porter candidat à la primaire. De fait, le parcours d'Arnaud Montebourg est celui d'un puncheur. Brillant avocat (il a plaidé dans plusieurs affaires à forte notoriété, dont celle du petit Gregory), il s'est fait connaître du grand public en s'opposant à l'immunité du Président de la République dans l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris. Plusieurs fois élu député, il a lentement construit son image de trublion au sein du Parti Socialiste: en s'abstenant lors du vote solennel du projet de Loi Hadopi, en militant pour une nouvelle Constitution, puis en fondant en 2003 le Nouveau Parti Socialiste qui obtiendra 17% des votes (tiens tiens) lors du Congrès de Dijon. Sa voix est alors perçue comme celle d'un nécessaire poil à gratter, rôle qu'il endosse à merveille en réclamant l'exclusion de Georges Frêche, en dénonçant la fuite fiscale de Johnny Halliday à Gstaad, puis en attaquant François Hollande ("Ségolène Royal n'a qu'un seul défaut, c'est son compagnon") pendant la présidentielle de 2007. Cette sortie lui vaut d'ailleurs de remettre sa démission de son poste de porte-parole. Il met alors un peu d'eau dans son vin. En 2007, il n'avait pu obtenir les signatures nécessaires à la candidature; il sait qu'il doit travailler son influence au sein du parti et s'y emploie en animant, avec une belle énergie, la représentation socialiste à l'Assemblée Nationale. En mars 2008, il est réélu au premier tour des municipales, et nommé président du conseil général. En novembre 2010, fort d'une base élargie de soutiens internes, il annonce qu'il est candidat à l'investiture PS.
 
2- De l'ombre à la lumière
 
Car ces primaires constituent, pour l'ancien avocat, une splendide tribune, un tremplin vers la grande notoriété. L'époque où, pour se faire entendre, il devait se démarquer par d'improbables saillies, est révolue. Pour autant, il ne renonce ni à ses convictions, ni au style qui l'a porté si haut. Face aux ténors du parti, il se différencie à la fois par les idées (notamment sur la mondialisation) et le ton, souvent tranchant. Ses trois interventions lors du débat télévisé sont l'occasion de montrer son art oratoire, mais aussi de cristaliser l'attention des militants et sympathisants qui trouvent les autres candidats trop lisses. Ses prises de parole sont policées mais pleines de verve, ses réactions mesurées mais fermes. Contrairement à d'autres, il ne montre pas d'hésitation... Dans un monde de plus en plus illisible - dont il a largement critiqué les fondements selon lui trop incertains - il apparaît comme une figure rassurante, comme une force non pas tranquille mais pleine de bonne volonté.
 
Ce que je trouve le plus remarquable, dans ce parcours, c'est le changement d'attitude en 2010, presque imperceptible, qui lui permet de passer d'un positionnement à l'autre en douceur. C'est tout à fait remarquable et j'y vois un beau cas d'école pour celles et ceux qui, comme lui, savent qu'ils ont les moyens d'aller plus haut et se demandent comment y parvenir.

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