lundi 24 mars 2014

Affrontement Russie-Europe: deux cultures du management que tout oppose



Imaginez deux entreprises qui se disputent le même marché. Bien qu'elles aient quelques points communs, à commencer par leur ancienneté, elles présentent de nombreuses différences. La première, dénommée UE, est le leader, mais on la dit en déclin, en dépit d'excellentes relations avec d'autres holdings de taille mondiale. Sa concurrente, la CCCP, est de taille plus modeste (un petit challenger, 7e seulement) mais son armée de vendeurs est à juste titre considérée comme redoutable.

La principale différence entre les deux protagonistes, cependant, ne réside ni dans leur puissance de frappe, ni dans leur capacité industrielle, mais dans leur culture du management.



L'UE s'est lentement construite par fusions et OPA amicales successives. Pour cette raison, son mode de fonctionnement est collaboratif. Les décisions sont prises à l'unanimité, ou à une large majorité. Chaque département (on parle d'"Etats membres") jouit d'une forte autonomie: il dispose de sa propre marque, mais surtout il est libre de ses décisions dans de nombreux domaines, n'étant subordonné à la collectivité que sur des questions certes essentielles, mais relativement peu nombreuses.

En face, la CCCP est dirigée par un homme fort. Elle l'a toujours été. Depuis un siècle, toutes les décisions sont prises par le patron, qu'il soit surnommé Tsar, Petit Père du Peuple ou Vlad l'Empereur. Quand le patron part à la retraite, il nomme un autre patron qui, à son tour, assume seul le pouvoir. La direction de l'entreprise s'apparente à un simple organe exécutif. L'un dicte, les autres obéissent.

A première vue, la CCCP part avec une bonne longueur d'avance. Tandis que les dirigeants de l'UE s'enferrent dans ce qui apparaît, aux yeux de la plupart des observateurs, comme d'interminables discussions sur les différents axes stratégiques possibles, le patron de la CCCP a déjà élaboré un plan d'attaque détaillé, il l'a fait valider par son assemblée d'actionnaires, puis il a ordonné à ses forces commerciales d'investir le marché tant convoité. A court terme, pas de doute, la CCCP a marqué des points.

A plus long terme, cependant, on analyse la situation avec du recul. On constate alors que ce fameux marché représente un poids économique négligeable; et qu'en s'y précipitant, la CCCP a brûlé de bonnes cartouches. L'initiative l'a fragilisée sur d'autres fronts autrement plus rentables. Elle s'est isolée. Dans le même temps, l'UE a profité de ce que le monde entier juge comme une agression pour renforcer ses liens internes et poser un jalon supplémentaire vers la voie d'une fédération. Elle s'est consolidée.

La décision d'un homme seul, si brillant soit-il, ne peut avoir la profondeur de vues d'un débat collectif. Et le patron d'une entreprise comme la CCCP ne parvient pas toujours à ce poste pour sa vision stratégique, mais plutôt en vertu de sa capacité à réduire l'opposition.

Ainsi, je pense que le management directif peut apporter un petit plus à court terme, mais qu'il se heurte tôt ou tard à ses limites intrinsèques. La CCCP n'est pas un cas isolé. A l'inverse, je crois au management collaboratif comme moteur de progrès de toute entreprise dans la durée. Il suppose, de la part des dirigeants, un sens profond de l'écoute de leurs collaborateurs et pairs; ainsi qu'un lâcher-prise, qui peut se traduire par une impression momentanée de déséquilibre. Mais après tout, on n'avance pas en restant assis: "Il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante." (Frédéric Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra)

Ajout du 17/12/14: et voilà "Russie: pourquoi le rouble s'effondre, en chute libre face au dollar et à l'euro"



Philippe Guihéneuc View Philippe GUIHENEUC's profile on LinkedIn


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