mardi 2 mars 2021

Marketing zéro : des méfaits du surnuméraire


En juin paraîtra un ouvrage corédigé par Patrice Laubignat et moi-même, intitulé "Marketing ZERO" (www.marketingzero.fr).  Nous y proposons une méthode pour produire un marketing responsable, c'est à dire respectueux des publics, tout en étant plus performant.

Nous sommes partis d'un constat simple : avec le web et les technologies de la data, le marketing s'est doté de puissants moyens pour toucher ses cibles. Mais à mesure qu'il gagne en force, les mauvaises pratiques qui le gangrènent se sont également propagées comme de mauvaises herbes. Aujourd'hui, nous avons le sentiment qu'une partie de la profession milite pour un marketing plus propre. Nous avons identifié 5 mauvaises pratiques à éviter : le harcèlement, l'espionnage, la manipulation, le mensonge et le sensationnalisme. Voici un extrait qui porte sur le premier de ces défauts.




"Le premier reproche fait au marketer porte sur la caractéristique la plus visible du marketing : son omniprésence dans la vie quotidienne. Dès 2004, une étude menée par Yankelovich Partners mettait la profession en garde : “60% of consumers have a more negative opinion of marketing and advertising now than a few years ago; 61% feel the amount of marketing and advertising is out of control; and 65% feel constantly bombarded with too much marketing and advertising.” 

Plusieurs marketers aux USA ont établi que la pression publicitaire, c'est-à-dire le nombre d’expositions à une marque par un individu, est comprise entre 4 et 10 000 inputs par jour. En 2015, le président de l’agence Red Crow Marketing, Ron Marshall, s’en est publiquement agacé. Il estimait ces chiffres très supérieurs à la réalité. Il a donc mené lui-même l’expérience. Dès qu’il se lève, il prend en compte les 14 publicités sur l’émission de radio qui le réveille, puis les 46 à la télé pendant qu’il prépare le petit déjeuner. Il n’oublie pas les logos présents dans son appartement pendant qu’il fait sa toilette et s’habille. Conclusion : “Etant arrivé à 487 expositions avant même d’avoir fini mon petit déjeuner, j’ai arrêté l’expérience.”

Selon PQ Média, institut de recherches sur les médias, le consommateur moyen serait exposé à environ 110 minutes de publicité par jour. Qu’on le veuille ou non, nous sommes littéralement nettoyés par les marques. 

Les gens détestent tellement la pub aujourd'hui qu'ils sont prêts à payer pour s'en débarrasser, par exemple en s’abonnant à une chaîne dont le modèle économique exclut le sponsoring. C'était déjà le cas dans les années 70 (création de HBO en 1975) mais le succès actuel du pay per view donne une bonne idée de l'aversion pour les spots publicitaires. 

Les messages envahissent tous les médias. La télé bien sûr, mais aussi la presse et la radio où ils sont le plus souvent d’une simplicité navrante, et désormais également ces nouveaux médias que sont les réseaux sociaux. A commencer par LinkedIn, où les marketers montrent une remarquable ténacité à polluer les murs de leurs confrères, comme en témoigne une petite étude que nous avons menée en 2020 et dont nous avons publié les résultats dans un post LinkedIn.
Focus: comment les marketers utilisent-ils (mal) LinkedIn?

“J'ai étudié l'activité LI d'une 50aine de marketers (français) choisis au hasard. Ils ont un nombre moyen d'environ 1500 abonnés (en grande majorité entre 1000 et 2000 abonnés), 90 % d'entre eux ont une activité LI au moins une fois par semaine (60 % au moins une fois par jour), et 80 % de ces activités sont destinées à promouvoir leur entreprise.
J'en déduis :
1- que l'adoption de LI par les marketers est un fait acquis. Bon, c'est pas tellement une surprise non plus.
2- que l'usage qui en est fait est, je pense, regrettable. Car LI est un magnifique outil de networking. Or, le networking consiste à partager son savoir et sa vision pour les confronter aux autres. Une immense majorité des posts sont de type "Nous sommes heureux d'avoir organisé ce bel événement" avec la photo des intervenants souriants, ou "Nous sommes fiers d'annoncer la signature de ce client". Très bien, un peu de pub n'est pas une mauvaise chose en soi, je ne manque pas de mettre en valeur ma propre entreprise dès que l'occasion se présente. Mais un vrai contenu informatif, ou un échange sur une question délicate et originale, c'est bien aussi, non ?
P.-S. l'analyse ne porte que sur 50 cas, c'est statistiquement peu probant donc résultats à prendre avec prudence”

Sur LinkedIn et quelques autres médias s’est ainsi développé récemment un nouveau dispositif, le “pod”. Il consiste à engager des membres du réseau à liker ou commenter votre contenu de façon systématique - sans s’intéresser au fond. En contrepartie, l’auteur s’engage à son tour à en faire autant des contenus publiés par les membres qui l’ont favorisé. Se créent ainsi des communautés, certains diraient des mafias, qui s’auto-congratulent sans savoir précisément de quoi, avec pour seul objectif de remonter aux premières places de l’algorithme de recherche du réseau… offrant ainsi aux publics des messages de qualité au mieux médiocre, salués par une floppée de commentaires tous identiques de type “Excellent !” ou “Je recommande !”"


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