lundi 17 octobre 2011

Peut-on vendre tout et n'importe quoi (même des antennes-relais)?


A l'occasion de l'annonce par la Mairie de la suspension de l'implantation d'antennes-relais sur les toîts de Paris, et alors que ce type d'affaires se multiplie (cf le cas des Mesnuls, un village où l'antenne-relais doit être installée à proximité de l'école...), voici une version remasterisée du célèbre réquisitoire de Pierre Desproges, que vous pouvez retrouver ici. Les puristes et les démocrates me pardonneront (ou pas) cet emprunt. Le sujet traité par le grand humoriste était grave. Celui que je veux aborder ici, peut-on vendre tout et n'importe quoi, même des antennes-relais, l'est sans doute un peu moins.

Encore que. Il ne s'agit pas tant des antennes-relais, qui certes favoriseront l'émergence de splendides tumeurs que Desproges aurait apprécié en connaisseur, mais qui permettront dans le même temps à des millions de gens de s'envoyer "Bonne santé!" le jour du nouvel an, sans rupture de bande passante. Non, il s'agit plutôt de savoir où commence l'éthique commerciale. Ce blog s'intitulait autrefois "La vente commence quand l'acheteur dit non" (citation de Leterman). Cet article, lui, pourrait s'intituler "L'éthique de la vente commence quand le vendeur dit non".
 
Commerciales, commerciaux,
Ingénieurs d'affaires, ingénieurs d'affaires,
Orangistes, sfresfre, freelandiens, bouyguettes,
Mesdames et messieurs les jurés,
Public chéri, mon amour,
 
Comme j'ai eu l'occasion de le démontrer, ici même, récemment, avec un brio qui m'étonne moi-même malgré la haute estime en laquelle je me tiens depuis que je sais qu'il coule en mes veines plus de 90 % de sang de mercenaire et, moins de trois grammes de cholestérol, les posts que vous lisez ici, quotidiennement, mesdames et messieurs, ne sont pas ceux d'un vrai journaliste. En réalité, je le répète, ceci est un blog. Qui pis est, un blog professionnel et sérieux, qui aborde les sujets de la vente complexe et du marketing B2B. Ou au moins, qui tente de le faire.

Alors la vente, parlons-en et parlons-en aujourd'hui, alors que la Ville de Paris vient de geler l'installation des antennes-relais sur les toîts de la capitale. Car cette décision, pour tout professionnel de l'excellent métier de vendeur, pose problème. Les questions qui me hantent, comme dans "Hante-ennes-relais", sont celles-ci :

Premièrement, peut-on vendre n'importe quoi ?

Deuxièmement, peut-on le vendre à tout le monde ?
 
A la première question, je répondrai oui sans hésiter. S'il est vrai que la vente consacre la valeur sociale, s'il est vrai que la vente, sacrilège blasphématoire que les bigots de toutes les chapelles taxent de vulgarité et d'égoïsme, s'il est vrai que cette vente-là peut parfois empêcher la guerre, exorciser les haines véritables et fustiger les manques mortels, alors, oui, on peut tout vendre, on doit tout vendre. Des couteaux, du rêve en boîte et des huîtres en conserve. Rien n'est laid en soi. La valeur d'une chose dépendant de la valeur qu'on lui donne, toute vente est une évaluation, et comme un repère qu'on donne au monde. Tout se vend et tout s'achète: une entreprise, une idée, et même l'émotion, qui coûte plus cher au théâtre qu'au cinéma, malheureusement. Du reste, n'a-t-on pas du plaisir à acheter? Kant écrivait qu'une fois qu'il avait consommé son phantasme, son phantasme mourrait. Il n'y a pas moins de plaisir dans l'acquisition que dans la possession ou l'utilisation. Il n'y a pas moins de plaisir dans la vente que dans la séduction.

Donc, on peut tout vendre, y compris cet article, que je vends gratuitement, mais que je vends quand même. Sinon, pourquoi cela s'appellerait-il un article?

Deuxième question : peut-on vendre à tout le monde ?

C'est dur… Personnellement, il m'arrive de renâcler à l'idée de tendre un bon de commande d'un geste joyeux et plein d'entrain. C'est quelquefois au-dessus de mes forces, dans certains environnements humains : ainsi, la compagnie d'un acheteur anglais me met rarement en joie. Près d'un acheteur chinois, je pouffe à peine et, la présence, à mes côtés, d'un acheteur français qui râle avant même d'avoir consommé assombrit couramment ma jovialité monacale.
 
http://t2.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcScj8NLuXQUxpPP-tUE391Km3Fq6DyWxxdyj-lhdd1VY5PFzLKfmA Il y a pire. On peut vendre un couteau, bien sûr, mais doit-on le proposer la gamme des Chroma type 301 à Jack l'éventreur? Certains se sont demandés s'il était bien raisonnable d'avoir aidé les iraniens à se doter de la technologie nucléaire. Et je m'interroge sur les motivations de celles et ceux qui commercialisent des antennes relais, sans se préoccuper outre mesure des motivations de celles et ceux qui les leur achètent, sans doute parce que ce sont les mêmes. Mais peut-être pas les bonnes.
 





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