mardi 6 décembre 2011

Dominique de Villepin, ou comment retourner un partenaire mécontent


Les faits sont rapportés par lemonde.fr qui n'est pas un vulgaire tabloïd, mais un media sérieux censé s'appuyer sur des faits avérés. D'un autre côté, le quotidien n'a pas la réputation d'entretenir une sympathie de vingt ans avec l'ancien Premier Ministre de Jacques Chirac. C'est pourquoi j'emploie le conditionnel: selon Le Monde, Dominique de Villepin aurait tenté de 'retourner' les dirigeants de Relais & Châteaux dans une affaire de fausses factures. Par 'retourner', il faudrait comprendre: les forcer à se taire.



Ce qui m'intéresse ici, au-delà de l'affaire elle-même, c'est le contenu de l'entretien téléphonique entre Dominique de Villepin et son ami Régis Bulot (mis en examen depuis le 18 novembre). Au cours de cette conversation, l'ancien Premier Ministre aurait expliqué comment il avait procédé pour obtenir le silence de Jaume Tapies, président de l'association Relais & Châteaux, et son secrétaire général, Philippe Gombert. Sa méthode mérite qu'on s'y arrête. Je vous propose donc de commencer par découvrir la retranscription par lemonde.fr, puis de lire le décryptage ci-dessous de la mécanique du discours. Laquelle s'apparente, en bien des aspects, à une (triste) vente, comme une lumineuse illustration par le côté obscur* des règles fondamentales de l'argumentation.


Rappel du contexte: alerté par son ami Régis Bulot qui se sent menacé par le tandem Tapies/Gombert, D. de Villepin rencontre ces derniers pour qu'ils lui exposent leurs griefs - ils encourent des poursuites pénales pour fausses factures en raison de manœuvres supposément ourdies par Bulot, et ça ne leur plaît pas du tout.

1- L'écoute. D. de Villepin commence par laisser parler ses interlocuteurs. Ce sont des gens qu'il décrit comme peureux, comprendre: qui lâchent facilement le morceau. "Ce qu'ils m'ont dit permet de faire le plus gros feu d'artifice des prochaines années". D'une façon ou d'une autre, il a préparé le terrain: ils se sont confiés à lui, le voilà en position de force. Une bonne qualif, c'est clé.

2- Le message. DV délivre une première fois le message unique qu'il souhaite leur faire passer: "Il y a une chose que je leur ai fait comprendre…, c'est que s'il y avait un intérêt commun à la maison Relais & Châteaux, c'est que rien de tout ce qu'ils m'ont dit ne sorte jamais". On sait qu'une bonne communication, c'est d'abord un message unique, répété plusieurs fois. Pour plus de détails consultez les cas décrits par Paul-André Tavoillot (Mediacoaching) dans son blog Le Journal de la Prise de Parole.

3- L'argumentation. En l'occurrence, un seul argument, mais de taille: "Ca veut dire que si un jour on s'intéresse à savoir quel est l'homme politique qui a couché avec qui, dans quelle chambre et à quel endroit, vous êtes morts et euh… Je te dis, ils ont reçu le message 5 sur 5".

4- La solution. On peut imaginer qu'après avoir entendu un ancien Premier Ministre émettre ce qui ressemble fort à une menace, les deux dirigeants ne se sentent pas très à l'aise ("On est face à une affaire judiciaire, on ne sait pas comment faire… "). Dominique de Villepin présente alors la solution qui va contenter tout le monde: "Je leur ai dit, la meilleure chose que vous auriez faite, c'est de ne pas laisser cette affaire se dérouler". Répétition du message pour s'assurer qu'il est bien imprimé: fermez-là et effacez vos traces, silence et discrétion.

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* Faut-il le préciser? Les procédés amoraux ou malhonnêtes comme la menace, la manipulation ou la coercition sont éminemment condamnables et ne devraient pas trouver place dans les relations humaines. Pour autant, parce qu'ils existent, il est nécessaire de les étudier, pour les comprendre et s'en protéger.

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