vendredi 9 décembre 2011

Embaucher un bon commercial B2B


S’il est une vente particulièrement difficile, c’est bien celle qui consiste à recruter un bon commercial. Quoi d’étonnant ? L’accroissement de la concurrence et la menace de la crise rendent les clients versatiles et valorisent la fonction commerciale, qui représente 15 à 20% des offres d’emploi (source Apec). Je connais un vendeur qui ne reste qu’un an à chaque poste, le temps de valider la période d’essai, de trouver un nouveau job, puis de négocier son départ – il ne reste que si on lui propose une forte augmentation. Hier, on attirait le chaland avec des formules du type : « Dans le cadre de sa croissance, le société X recrute… ». Entendez par là : notre société se porte bien, rejoignez-nous et participez à notre développement. Étant donné les difficultés à trouver de bons profils, il faudra bientôt faire preuve de plus d’originalité : « We need YOU!… ».

En attendant d’en venir à ces extrémités, et pour illustrer ce parcours du combattant de façon ludique, voici le jeu de l’oie du recrutement de commerciaux B2B.  N'hésitez pas à appeler à l'aide en déposant un commentaire si vous tombez dans le puits.



Case 6 : le pont
A peine avez-vous entamé les premières démarches que vous vous heurtez à un premier obstacle : la culture. Les vendeurs explorant des rives lointaines, leur attitude et leur discours appartiennent à un autre monde. L’idée que vous vous faites des êtres étranges qui peuplent ces contrées est tirée de l’imaginaire collectif. Ce sont des mâles, d’un abord sympathique mais vaguement répugnant. Ils mentent comme des arracheurs de dents. Ils pratiquent assidûment les blagues vulgaires et ne manquent pas une occasion de conter fleurette aux secrétaires. Ils se plaignent en permanence de leurs conditions de travail, bavardent indûment, arrivent toujours en retard, laissent des miettes de sandwiches gras sur les tables, passez muscade. Oui, un vendeur peut être tout cela... Ou pas. Son profil, puis son attitude ne seront généralement que le reflet de l’importance que vous donnez à sa fonction, et de la confiance que vous lui témoignez. Sur le commercial repose la chaîne de valeur de votre entreprise. Prenez donc conscience (ou convainquez-vous) de la dimension du poste que vous proposez, et franchissez gaillardement le fleuve des préjugés.

Case 19 : l’auberge
Vous êtes maintenant dans le bon état d’esprit pour élaborer soigneusement le descriptif de poste, auquel vous avez consacré du temps : mission, cibles et territoire, moyens avant-vente mis à disposition, objectifs (quantitatifs et qualitatifs), rémunération fixe, rémunération variable (calculs de marges, intégration dans un BP et/ou une grille salariale), package. Attention cependant à ne pas vous endormir sur vos lauriers. Il ne suffit pas de proposer à vos visiteurs le gîte et le couvert, ils attendront des attentions particulières. Pointez les deux ou trois arguments chocs qui peuvent faire la différence, à trouver parmi : « Vous allez vite devenir riche  », « Vous aurez rapidement de l’avancement », « Chez nous, vous serez comme un pacha », « Travailler ici, quelle ligne prestigieuse sur votre CV », « Nous garantissons l’emploi ». En d’autres termes : l’argent, le pouvoir, le confort, l’image ou la sécurité, qui en toutes circonstances et par tous temps sont les critères décisifs pour choisir son auberge.

Case 31 : le puits
Rédigez votre annonce. Un descriptif de poste lénifiant est comme un discours creux : on s’y enfonce, on s’y perd, on y tombe et on n’a qu’une hâte, en sortir. Votre annonce doit avoir trois qualités : la précision, l’exhaustivité et l’originalité. La précision : évitez les termes ambigus et les formules toutes faites du type «Vous participerez au développement de votre secteur d’activité ». Donnez les détails significatifs et notamment ceux qui mettent le poste en valeur : « Vous prospecterez sur le secteur automobile en IDF (leads fournis) ». L’exhaustivité : vous constaterez rapidement qu’un recrutement prend beaucoup de temps. Moins vous omettrez de détails importants, moins vous perdrez de temps avec des candidats qui ne correspondent pas. Enfin, concevez une annonce motivante, attrayante, originale. Au moment de décrire les qualités recherchées, au lieu d’une liste à la Prévert (« Vous êtes imaginatif, rigoureux, déterminé, diplomate, etc. »), préférez montrer que vous avez véritablement réfléchi aux enjeux du poste : « Nous cherchons un candidat jeune, qui puisse relever le défi d’une mission difficile, demandant à la fois de la pugnacité dans l’effort et une véritable sensibilité à l’automobile ».

Case 42 : le labyrinthe
Où déposer l’annonce ? Le choix des supports peut s’apparenter à un dédale. Car les meilleures candidatures s’obtiennent par le bouche à oreille, qui est gratuit mais dont l’efficacité est très aléatoire (sauf peut-être dans les grandes organisations), et par les chasseurs de tête, dont les résultats sont garantis mais qui ne sont pas gratuits (rien n’est parfait). Les chasseurs se contentent généralement d’appeler les commerciaux de vos concurrents, ce qui suffit la plupart du temps, surtout si votre offre est alléchante. Entre ces deux extrémités, il faut entrer dans les galeries nébuleuses des bases de CV. L’immense majorité des candidats sont inscrits sur des sites Internet. Commencez par publier votre annonce sur l’Apec (www.apec.fr) dont le site est assez bien conçu et qui a l’avantage d’être gratuit. Pensez aussi à Viadeo (www.viadeo.fr, gratuit dans une certaine mesure) et LinkedIn, en particulier pour le recrutement de profils expérimentés. Le marché étant ce qu’il est, ces deux sites pourraient ne pas suffire. Une recherche rapide sur Google avec « recrutement » « commercial » et votre secteur d’activité vous renseignera sur les portails de recrutement dans vos métiers. Vous pouvez aussi passer par Monster (www.monster.fr, très riche, peut-être trop riche) ou encore Cadremploi (www.cadremploi.fr), qui sont des sites génériques payants, mais dont l’abonnement ne sera pas forcément très élevé. Ne vous contentez pas de déposer l’annonce, consultez les bases de candidats que proposent ces sites. Pour les plus grandes entreprises, et celles qui ne veulent pas investir trop de temps à explorer le labyrinthe des sites d’emploi, de nombreux prestataires, comme Mac Allister (www.mac-allister.com), se proposent de vous assister dans la recherche de profils (d’Ariane, bien sûr).

Case 52 : la prison
Les candidatures vous parviennent … S’applique alors l’immuable Loi des ratios : il vous faudra probablement disséquer quelques 50 CV pour en sélectionner une vingtaine, dont vous ne retiendrez que la moitié en entretiens, pour ne finalement garder que deux ou trois élus en short list... aboutissant à une seul et unique embauche.
Encore faut-il avoir reçu suffisamment de CV. 90% des candidatures parviennent dans la semaine qui suit la parution de l’annonce. Si, dans ce laps de temps, vous êtes loin de l’objectif escompté, vous êtes condamnés soit à refaire votre annonce ou à élargir sa publication, soit à piocher à la main dans les bases de CV, en ne vous aidant que de moteurs de recherche parfois brinquebalants. A titre d’exemple : peu de moteurs connaissent le métier de conseil ; beaucoup établissent en revanche une distinction subtile entre la fonction de technico-commercial, de vendeur et de commercial – en vous obligeant, bien sûr, à faire un choix sélectif. Travail de forçat rendu d’autant plus pénible par le fait que bon nombre des candidats sont en recherche passive : ils ont déposé leur CV juste au cas où. Voire pour le plaisir de se sentir désirés. Ce qui n’améliore pas votre productivité, ni les délais de votre libération.

Cases 58 : la tête de mort
Ouf ! Enfin terminé. Ca y est, vous tenez le bon commercial dont vous rêviez. Il ne reste qu’à signer le contrat. Vous lui adressez une lettre d’intention, puis un draft des conditions d’embauche. Rien de spectaculaire, si ce n’est que n’apparaissent pas, finalement, la voiture de fonction promise, ni le plan d’intéressement. Vous les avez avantageusement remplacés par une clause de non-concurrence dont il aura bien du mal à se dépêtrer, si l’envie d’aller voir ailleurs le tenaillait. Patatras ! Trois jours plus tard, votre futur ex vous envoie un email très sobre dans lequel il décline votre proposition et vous annonce qu’il a rejoint une autre société. Il a beau se déclarer ravi de vous avoir rencontré, en attendant vous avez renvoyé les autres candidats et vous vous dites qu’il va falloir repartir à zéro.
C’est qu’il y a peu de la Roche Tarpéienne au Capitole, ce même Capitole défendu des barbares gaulois par les oies dont on a fait ce jeu. Tâchez, tant que faire se peut, de présenter la réalité la plus objective possible de la mission et de l’entreprise. Faites rencontrer le candidat à différentes personnes de votre société – chacun apportera sa vision pour une meilleure vue d’ensemble, ce qui aura pour bénéfice de limiter les mauvaises surprises. Cet exercice délicat nécessite cependant que tout le monde joue le jeu : votre personnel doit être conscient de l’importance du recrutement et vous devrez l’avoir briefé sur les principaux arguments que vous aurez avancé. Bref, soyez transparents et sincères, particulièrement à la fin du jeu.

Case 63 : l’arrivée
La fin du processus ne s’arrête malheureusement pas à la signature du contrat. Pendant la période d’essai, vous avez tout loisir de rompre la relation… et lui aussi. Tout ce que vous aviez cru lui cacher pendant les entretiens, voilà qu’il le découvre les premiers jours. Non, il n’est pas le seul commercial sur son territoire. Le CA a augmenté l’an dernier, mais depuis le début de l’année l’activité est en berne. Votre concurrent a baissé ses prix de 20%. Votre offre n’a pas encore reçu le certificat dont elle a besoin. Et votre jolie secrétaire, avec qui il s'entendait si bien, vient de donner sa démission. Un commercial qui rejoint un nouveau poste est, par nature, dans une situation fragile. Vous devrez l’impliquer dans toutes les décisions qui le concernent pour éviter qu’il se sente le jouet d’un système dont les rouages l’empêcheront de faire correctement son travail. De même que vous attendez de sa part, dès les premiers jours, des signes de son envie et de sa motivation, prouvez-lui, dès les premiers jours, par des signes forts, que vous voulez qu’il réussisse. Montrez-lui le plan de son intégration, envoyez-le en formation sur vos offres, faites-le rencontrer les pivots de l’entreprise, accompagnez-le aussi souvent que possible… En parallèle, soyez prêts à réagir en cas de rupture brutale. C’est qu’en dépit de tous ces efforts, un recrutement de commercial ne réussit, en moyenne, qu’une fois sur deux…

Philippe Guihéneuc View Philippe GUIHENEUC's profile on LinkedIn


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