jeudi 19 avril 2012

Les flyers des candidats aux présidentielles au crible du marketing



Le Ministère de l'Intérieur m'a livré par la poste les prospectus des candidats aux élections présidentielles 2012, ces 4 pages qui proposent leur programme de façon synthétique. Y sont exposées leur vision pour le pays et leurs principales idées, mesures et ambitions. J'ai été franchement étonné du classicisme des présentations, y compris celles des 'petits' candidats. Il faut croire que l'enjeu ou le milieu imposent des codes; ou bien qu'avec le temps, les spécialistes en marketing politique ont acquis la conviction que pour gagner des voix, il était important de respecter certaines règles de présentation 'print'.

Mais on peut aussi se demander si la similarité des flyers n'est pas le résultat d'un cruel manque d'imagination. De fait, tous les prospectus peuvent se lire comme on écoute une allocution dans un meeting, ou un discours à la tribune du Parlement. Comme si les politiques étaient incapables de trouver un autre rythme que celui auquel ils sont, de longue date, si habitués.
1- Je monte à la tribune, je me fais voir et je laisse la foule prendre conscience de ma présence (ma photo en couverture, pas ou peu de texte)
2- Je me lance dans un long (ou moins long) discours, axé sur les arguments et les idées (pages intérieures: beaucoup de texte, le plus souvent sous forme de liste d'idées)
3- Je conclus comme je peux (les 4e de couverture sont parfois bâclés, c'est là qu'on trouve le plus de différences de forme).

Or, ce rythme particulier au speech politique est-il adapté à un format si différent, le flyer programmatique?



Pour commencer, un flyer est un document papier. De fait, il existe des bonnes pratiques pour la rédaction d'un 'print'. Ces règles sont-elles respectées? Un tract politique est une publicité comme une autre, en cela il obéit aux exigences de la communication - lesquelles évoluent très vite, à l'ère du conversationnel. Je me suis donc essayé à comparer les prospectus sur la forme, sans m'attacher au fond.

Trois remarques:
1) Analyser la forme peut sembler bien superficiel au non-marketer. Mais les meilleures idées ne sont pas toujours les plus simples. Une idée complexe se doit d'être présentée avec précaution, comme une chose délicate qui fane ou se brise au premier faux mouvement. Les idées politiques, qui ne sont pas choses aisées, méritent une forme qui facilite la compréhension par tous.
2) S'agissant d'une analyse de la forme plutôt que du fond, inutile d'essayer d'interpréter ce qui suit comme un encouragement à voter pour untel ou unetelle. Par contre, je vous encourage à élire, en fin d'article, le flyer le mieux présenté.
3) Je ne livre ici que les conclusions, les détails sont disponibles sur le site marketing-etudiant.fr.

Jean-Luc Mélenchon est le seul dont le slogan est à l'impératif: 'Prenez le pouvoir'. Il ne commence pas par 'je' mais par 'vous'. Il fait du lecteur/électeur un véritable acteur politique, respectant en cela une règle essentielle en marketing. Par ailleurs, son équipe s'est livrée à un certain travail de mise en page. Sur les pages internes, par exemple, les couleurs rouges et vertes alternent pour faciliter la lecture des propositions. Il y a aussi quelques idées originales, comme le focus sur le livre, ou l'introduction avec signature. C'est plutôt bien fait globalement, mais dans une veine qui reste assez classique. On sent le candidat déchiré entre ses aspirations qui le poussent à bousculer l'ordre établi, et son expérience politique qui l'enjoint de ne pas trop sortir des sentiers battus. La dichotomie est mal maîtrisée, cela nuit à la perception de l'ensemble.

Nathalie Arthaud présente un texte plat, comme un tract syndical. L'effet est probablement voulu et on ne peut que s'incliner devant la cohérence des principes de la représentante de Lutte Ouvrière. Il faudrait cependant que quelqu'un lui dise qu'une telle présentation n'incite guère à la lecture, sauf à être impliqué dans le mouvement, ou à être particulièrement consciencieux.

Le 4 pages de Marine Le Pen est le plus maigre en terme de texte, et celui qui, après Cheminade, présente le moins d'arguments et d'idées.

En dépit d'erreurs sur la 4e page, Nicolas Dupont-Aignan peut se féliciter d'avoir conçu un document bien structuré, et dans le même temps relativement original. Il est celui qui m'a le plus donné envie de le lire. Quelques accroches visuelles aux bons endroits, comme les photos ou les pain points ('leur échec'), un mécanisme d'entonnoir de lecture (l'essentiel en gros caractères, puis des focus pour ceux qui veulent aller plus loin), une dernière page qui donne du sens en expliquant le pourquoi de son combat.

Le flyer de Philippe Poutou présente un bon équilibre entre texte, arguments et images. Mais il est lisse. Rien n'accroche le regard, rien ne le retient.

Nicolas Sarkozy a le document le plus aéré de tous, et l'un des plus cohérents d'un point de vue visuel. Il est facile à appréhender, mais son manque total d'originalité en fait une simple et jolie synthèse de son programme, et non pas la formalisation d'une vision politique.

Les couleurs vives (jaune et rouge) choisies par Jacques Cheminade ne parviennent pas à rehausser l'image d'un flyer terni par des photos où le candidat paraît morose, voire inquiet. On peut même se demander si l'on a sous les yeux l'expression d'un programme politique, tant l'ensemble a des allures de pamphlet.

Eva Joly se distingue par ses lunettes, bien sûr. Et par le numéro de téléphone mis à disposition pour toute question... ou faire faire établir une procuration (?). C'est tout., et c'est peu.

En définitive, voici mon classement personnel:
1- Nicolas Dupont-Aignan, parce que dans un océan de tracts sans originalité, il a un peu surnagé par une présentation plus structurée, et une lecture qui a quelque chose de l'ordre de l'histoire qu'on lit  (et non pas seulement du discours). Bref, il y a de l'idée.
2- François Hollande. Certes, son flyer n'est pas le plus fantaisiste, mais c'est le plus percutant: une photo, la sienne; un message, le changement pour tous les français. Simple et efficace.
3 - François Bayrou, le seul qui ait osé un grand sourire. N'est-il pas après tout le candidat jugé le plus sympathique?

Philippe Guihéneuc View Philippe GUIHENEUC's profile on LinkedIn


Autres articles sur la réputation

Votez pour votre flyer préféré:

 

1 commentaire:

  1. Je n'ai pas encore lu les tracts mais je sais pas pourquoi je me suis amusé à regarder qui avait imprimé sur du papier recyclé...
    verdict : Joly, Bayrou et Sarkozy sont les 3 personnes qui ont choisi le recyclage

    après comme toi la brochure d'Arthaud me parait indigeste ^^ et j'ai été étonné du numéro de téléphone sur celle de Joly
    je trouve celles de Mélenchon et Dupont-Aignan chouette de prime-abord

    Pour Bayrou et Hollande la mise en page se ressemble beaucoup bien que les couleurs choisies par Bayrou soient plus agréables.

    Sarkozy n'est pas très original mais c'est efficace avec l'anaphore "la France forte c'est..."

    Le Pen, ça a l'avantage d'être concis ^^, sa position me rapelle vaguement un chanteur de boy's band sur une pochette de cd avec les bras croisés comme ça ^^

    Cheminade c'est vrai qu'il semble fatigué sur les photos ^^

    et Poutou, 'aime bien la photo où Besancenot regarde vers lui sous entendant "Poutou, c'est l'avenir" ^^ mais voir le gros pavé de texte en deuxieme page ca donne pas envie de lire :D

    mon top 3 sans lire serait : dupont aignant, melenchon et bayrou

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.