mercredi 2 mai 2012

Vive la crise et l'inflation




1983. Le parti socialiste était au pouvoir depuis deux ans, et pourtant la période n’était pas rose. La crise n’en finissait pas de détruire des emplois, et l’inflation de mordre dans le pouvoir d’achat. C’est dans ce contexte de morosité ambiante que Jacques Marseille et Alain Plessis publiaient (chez Hachette) Vive la crise et l’inflation, un brillant et provocant essai de 369 pages. Ils y développaient l’idée que crise et inflation sont des phénomènes bénéfiques à moyen terme, l’une étant propice à l’innovation, donc à l’émergence d’une nouvelle prospérité, la seconde limitant les effets néfastes de l’endettement, ce mal récurrent du pays et des ménages.  

La suite allait partiellement leur donner raison. L’année même de cette publication, Motorola lançait le premier téléphone portable, le DynaTAC 8000X. Six ans plus tard, deux chercheurs du CERN, Tim Berners-Lee et Robert Cailliau, inventaient le web. 


 Mobile et web, les deux inventions à l’origine du rebond de la fin des années 90. Quand à l’inflation, elle a été jugulée. Mais pas la dette. Au point que la dette devient un sujet de crise !
Trente ans après Vive la crise et l’inflation, le petit monde du marketing  semble à son tour touché par les deux phénomènes. La crise économique, qui selon 82% des responsables webmarketing, va restreindre leurs budgets ; et l’inflation de données, le fameux Big Data, l’un des principaux enjeux des prochaines années. Comme Marseille et Plessis en leur époque, rappelons ici pourquoi les marketers peuvent en profiter.

La crise met le marketing au centre de l’entreprise

Il est d’usage de considérer les périodes de crise comme propices aux directions financières – le temps est aux calculs et aux efforts budgétaires. Mais cette crise est différente. A en croire les meilleurs économistes, elle se caractérise par  un amoindrissement considérable de la visibilité que les directions générales ont de leur marché. « Il n’y a pas si longtemps, on pouvait prévoir le chiffre d’affaires du prochain trimestre en fonction du chiffre du trimestre de l’année précédente, auquel on appliquait un coefficient de tendance, positif ou négatif. Mais aujourd’hui, les variations sont si brutales que la prévision économique à court terme devient hasardeuse », se plaignait récemment un expert d’un observatoire privé. En manque de repère, les dirigeants se tournent naturellement vers leur principal pourvoyeur d’informations de terrain : le CMO. Ce qui contribue à déplacer le centre de gravité stratégique vers le marketing.   
C’est donc sans surprise que les marketers, interrogés par Accenture, mettent nettement en avant le customer analytics comme priorité d’investissement en 2012. Sans surprise aussi que le terme web analytics monte progressivement dans les recherches Google, tandis que telemarketing, par exemple, chute régulièrement (voir le graphe ci-dessous). Le métier ne change pas, mais les missions ne sont plus les mêmes. Cette progression induit la multiplication de solutions adaptées à l’analyse, ou  la création d’outils marketing spécifiques à la connaissance et à la compréhension.



L’inflation de données est nécessaire à l’automatisation des process marketing 

Et des moyens, les marketers peuvent légitimement en réclamer, car les données ne manquent pas. L’économie se digitalise à grande vitesse. Dans les entreprises, la dématérialisation s’étend silencieusement. La croissance du commerce électronique (+22% en 2011) ne se dément pas, même dans les secteurs atones. Et partout on évoque le Big Data, cet afflux massif de données en provenance de canaux dont le nombre augmente chaque année. Aussi la capacité à traiter un volume de données en croissance exponentielle apparaît-elle, aux yeux des marketers, comme l’un des quatre enjeux de ces prochains mois

Un enjeu, mais aussi une chance ! Car la donnée digitale est, par nature, une information structurée. On peut donc la calibrer, la filtrer, la trier, la croiser… en vue d’enrichir l’analyse, mais aussi d’alimenter les process industriels. Autrefois, les commerciaux appelaient les prospects à intervalles réguliers pour les accompagner dans le processus de maturation de leur projet, du stade ‘curiosité’ à l’achat. Aujourd’hui, une importante partie de ce travail est automatisable.

1-      Imaginons un prospect qui vient sur votre site web pour la première fois. Grâce à une solution de web tracking, sa société est identifiée.
2-      Les adresses emails correspondant à cette société, disponibles sur le web ou dans une base email/société, sont mises à disposition d’un routeur. Lequel envoie un message avec un contenu choisi en fonction du parcours du visiteur[1].
3-      Si le visiteur clique dans l’email, ou qu’il revient plus tard sur le site par tout autre moyen, il est à nouveau détecté. Ses différentes actions enrichissent l’historique de sa relation, lequel est enregistré dans le CRM. Ainsi le statut du prospect va-t-il évoluer, plus ou moins vite, d’une maturité faible à forte. Le passage d’une phase à l’autre déclenche de nouvelles actions (proposition de webinar, envoi d’une vidéo, …), dites de retargeting, destinées à accélérer la maturation du projet.
4-      Lorsque l’intérêt du prospect a atteint un haut niveau, il quitte le domaine marketing pour entrer dans la sphère commerciale. C’est un lead, qui demande une prise en compte par un vendeur.

Ainsi, les commerciaux se voient confier des appels vers des prospects dont l’intérêt initial a été soigneusement cultivé. De sa réflexion, ils connaissent la nature, l’évolution, les détails. Quelle différence avec la vente telle qu’on la pratiquait il y a quelques années ! Mais cela n’a de sens que si, en amont, le Big Data continue de prospérer. Car, comme le disait très justement l’un des participants au dernier forum du CMIT : « Nous avons tous besoin de trouver ces nouvelles cibles que nous ne connaissons pas encore, qui ne nous connaissent pas encore mais qui sont néanmoins capables de porter un projet à court ou moyen terme. Et nous avons besoin de les connaître avant que le projet arrive à maturation ». 

Alors, ne faut-il pas penser avec le Gartner Group, qui prédit que le marketing va récupérer une part importante des budgets IT au cours des prochaines années[2], que d’une certaine façon, crise et inflation ont du bon? En tant que marketer, quelle est votre opinion ?




[1] On parle de scoring comportemental : l’identification de l’intérêt (nature et degré) d’un visiteur en fonction de son parcours sur le site. Voire, s’il est venu plusieurs fois, de l’ensemble de ses parcours sur une période donnée,.
[2] A dire vrai, cette tendance s’explique aussi par l’émergence du Cloud qui facilite la réappropriation des systèmes d’information par les opérationnels.



Philippe Guihéneuc View Philippe GUIHENEUC's profile on LinkedIn


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