mardi 12 juin 2012

Q2, le cauchemar des directeurs commerciaux (et des dirigeants)



Lu au frontispice d'un bureau de commerciaux B2B: "En mai, fais ce qu'il te plait. En juin, fais le plein."


Chaque secteur d'activité a son rythme propre, mais en B2B les derniers jours de Q2 sont généralement critiques, et ce pour deux raisons.
  • D'une part, juin correspond traditionnellement à une période de décisions. En effet, une majorité d'entreprises arrêtent leur bilan en décembre; elles bouclent donc les budgets entre septembre et octobre, ce qui signifie, le plus souvent, que la décision est prise un peu avant. Mais avant, ce sont les grandes vacances... Juin s'avère donc un mois décisif.
  • D'autre part, une majorité de directions commerciales B2B optent pour un reporting trimestriel. C'est au terme du quarter qu'on fait le bilan de l'activité, et qu'on détermine le montant des commissions pour chaque commercial. Et parmi les quarters, Q2 est peut-être le plus observé, car c'est celui où l'on apprend quelle sera la couleur de l'année: verte, blanche ou noire. Et celui où l'on peut encore améliorer la situation. Q1 est trop tôt, Q3 trop perturbé, Q4 trop tard. Cf cet article de Sales Benchmark Index sur les 4 questions d'analyse commerciale à se poser en milieu d'année.
Pour les commerciaux et leurs managers, juin est le mois de tous les dangers. C'est injuste - un peu comme jouer sa saison sur un match - mais c'est ainsi, volens nolens. Voici trois conseils pour aborder cette période avec sérénité.

1- Adoptez une stratégie court-termiste

En tant que commercial ou manager des ventes, on vous a fixé des objectifs annuels. Ignorez-les. Même si vous êtes dans une situation confortable, vous savez que vous ne signerez pas en Q3 ce que vous aurez manqué en Q2.

Engrangez! Abandonnez sans remord tout ce qui ressort de la construction à long terme, comme les formations, ou la mise en place de nouvelles procédures. Shuntez sans regret les opérations à performance hasardeuse: appels dans le dur, relance des formulaires mal renseignés, animation de partenaires, recherche d'apporteurs d'affaires. Concentrez-vous exclusivement sur les contacts chauds et faites en sorte de les signer.


2- Ne restez pas seul

La tentation peut être grande de prendre seul ses responsabilités, de faire face sans aide externe. C'est louable, mais risqué. Sachant qu'en fin de compte on est toujours seul dans l'adversité, et entouré quand le temps est au beau fixe, autant prendre les devants en choisissant quelques compagnons de route qui:
  • vous aideront à y voir plus clair
  • vous soutiendront dans les moments difficiles
  • pourront témoigner de votre pugnacité
Facile à dire? Facile à faire. En tant que commercial, serrez les coudes avec les autres membres de l'équipe. En tant que manager, cherchez la complicité de vos homologues du marketing ou du SAV. S'il ne s'en trouve aucun pour avancer à vos côtés, faites appel à votre réseau.

3- Prenez du recul

La recommandation peut sembler paradoxale: prendre du recul, au moment où on doit foncer? Je veux parler ici d'une approche psychologique de la prise de décision en situation de stress. Le stress a du bon: il vous aiguillonne, en tirant de vos ressources une énergie supplémentaire. Il vous aide à réfléchir plus vite, à agir rapidement. Mais il a un prix: sous stress, la plupart des gens prennent de mauvaises décisions.

Pour ne pas en être victime, le meilleur moyen consiste à prendre du recul sur votre activité. Non pas au moment où vous êtes sous pression, mais avant. Si un comédien apprend son texte dans les jours qui précèdent la première représentation, il y a un fort risque qu'il ne soit pas bon. Même s'il le récite à la perfection, il n'aura pas eu le temps de prendre la mesure de son rôle. Une activité commerciale est comme pièce de théâtre: il faut la travailler dans tous les sens pour en comprendre le fonctionnement, les ressorts, la dramaturgie.

Ainsi, parce que vous allez être au taquet pendant des jours, il faut qu'avant de foncer vous ayez pris conscience des tenants et aboutissants de ce trimestre. Pour vous, pour votre équipe, pour votre entreprise. Quel est l'enjeu? Quid si les objectifs ne sont pas atteints? S'ils sont dépassés, qu'est-ce que cela signifie? Quelles en seront les conséquences?

La prise de recul est d'autant plus nécessaire si vous êtes manager. Revenez sur Q1, identifiez les faiblesses et les forces de votre équipe et tâchez d'imaginer ce qui risque de se produire sur Q2. Prévoyez des dispositifs d'analyse et de rééquilibrage personnalisés. Par exemple, si vous constatez que certains de vos commerciaux ont tendance à ne pas relancer les prospects froids alors que ceux qui l'ont fait ont été performants, faites le bilan de la relance et montrez, chiffres à l'appui, que la technique obtient de bons résultats. Si l'offre B est en chute libre, supprimez-la provisoirement du catalogue, même si cela doit vous fâcher avec le Directeur de la production. Il sera toujours temps, à l'été, de comprendre pourquoi B ne se vendait pas - et de justifier son retour dans les argumentaires.


Voilà pour ces quelques méchants conseils - mais après tout, "Il reçoit bien les conseils, celui qui ne reçoit en les écoutant qu'un soulagement superflu." (Othello). J'espère donc avoir contribué à votre soulagement. Comme toujours, vos commentaires, témoignages et réactions sont les bienvenus.


Philippe Guihéneuc View Philippe GUIHENEUC's profile on LinkedIn


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2 commentaires:

  1. J'adore !!

    Enfin un article pragmatique qui ne cède rien à la mode française du "bien préparer pour mieux récolter...un jour peut-être..."

    Effectivement juin, comme décembre, on engrange !!

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  2. Entièrement d'accord avec l'article et le commentaire précédant ! Bonne continuation.

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