dimanche 23 février 2014

Des souris et des ohms


Le monde va changer. Je ne parle pas des petits changements incessants, ni même de l'énième révolution du siècle; mais d'une façon complètement nouvelle d'envisager notre rapport aux choses. Dans quelques années, ce que nous appelons aujourd'hui "le monde" ne signifiera plus qu'une partie de la réalité. Il faudra y ajouter une nouvelle couche de perception, dite de réalité augmentée, fournie par différentes applications. Par exemple, quand on regardera une personne en face de nous, on la verra telle qu'on la voit aujourd'hui, mais nos devices (lunettes, bracelets, montres, vêtements, capteurs divers) remonteront une flopée d'informations jusqu'à présent inaccessibles: sa taille et son âge, bien sûr, mais aussi ses coordonnées complètes, son CV détaillé, ses derniers posts sur Facebook, et probablement des indications sur ses préférences. Ainsi, pourquoi pas, qu'une estimation de son intérêt pour nous, déterminée à partir de l'espacement de ses pupilles, du degré d'humidité de sa peau ou de son timbre de voix.

Le monde qui vient va être formidable, ou pas. Quoi qu'il en soit, c'est un nouveau monde, une frontière à franchir. La génération Z s'y prépare avec entrain. On voit fleurir toutes sortes d'innovations extraordinaires. Parmi ces nouveautés, certaines ouvrent d'immenses perspectives. Mais d'autres se trompent de combat.

Je relaie donc ici cet excellent article de Harendra Kapur, dont vous trouverez ci-dessous un extrait traduit par Jason Prescott. Harendra s'insurge contre une app, Hemingway, qui prétend simplifier l'écriture.
 


Pour résumer, cette app analyse un texte et souligne automatiquement ses lourdeurs: phrases trop longues, adverbes à répétition, etc. J'ai déjà dit sur ce blog que, pour moi, l'IA était l'étape suivante dans l'évolution du web. Je pense donc qu'une application dotée d'une IA performante peut, dans une certaine mesure et dans certains contextes, produire des textes intelligents, ou aider à les produire.

Mais de là à s'appeler "Hemingway" et laisser croire que grâce à cette béquille vous allez écrire comme un Nobel... C'est du mauvais marketing. D'ailleurs, la qualité d'un texte dépend essentiellement de ce que l'auteur veut dire, et non de son style. Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. Claude Simon, Nobel de littérature en 1985, n'était pas réputé pour a concision. Le dernier Goncourt, Au revoir là-haut de Pierre Lemaître, est écrit comme on part en guerre - bien loin des canons classiques. Harendra, lui-même particulièrement inspiré, explique donc qu'on écrit avec son cœur et ses tripes, et que jusqu'à preuve du contraire, on ne trouve rien de tout cela dans une app.

"J'aime beaucoup les nouvelles technologies, vraiment beaucoup. Je me souviens avoir entendu parler de Shazam lorsque l'appli venait de sortir il y a bien longtemps et mes attentes sur ce que pouvait faire une app ont été dépassées. Cette app vous dit ce que ce vous chantonnez/fredonnez ? Cool. Google a fabriqué des voitures qui se conduisent toutes seules ? Sympa. Evernote, un moteur qui transforme des post-it en notes? Super. Quelqu'un a fait une app qui peut éditer votre écrit pour vous ?
Alors là, écoutez. Peut-être que je suis exigeant par rapport à l'écriture, parce que je suis une sale petite mauviette qui a peur que son métier soit remplacé par une app; mais quand j'ai entendu parler de l'app Hemingway j'étais tout de suite sceptique. Et après réflexion, cynique."

"Je ne veux vraiment pas paraître comme une sorte de technophobe. L'application Hemingway paraît être un projet super cool avec une mission vachement sympa: faire de vos écrits des écrits compréhensibles et clairs.
Et comme le dit très justement The NEW YORKER, dans sa critique sur les apps, personne ne vous dit que vous deviez le prendre au pied de la lettre, et c'est toujours mieux de connaître les règles avant.
Mais je pense que c'est trop facile d'oublier que l'écriture est une façon d'exprimer nos pensées. Et la qualité de la pensée elle-même vaut bien plus que la façon dont elle est exprimée. Comprenez-moi bien:  l'expression est une chose très importante qui détermine comment la chose est comprise. Mais si ce que vous avez à dire est réellement intéressant, c'est beaucoup plus facile de le dire d'une façon intéressante. Comme Doug le décrit dans The power of suprise: quand une marque exprime quelque chose de différent et de vrai, cela ressort plus. Ça rend le titre plus facile à comprendre et le reste de l'écrit coule de source. Vous avez peut-être tort, et ça peut tomber à plat, mais ça c'est le risque que vous prenez lorsque vous ouvrez la bouche.
Le truc d'Hemingway, ce n'était pas la structure de ses phrases ou le choix de ses mots. Il avait juste les couilles de dire ce qu'il voulait vraiment dire, la façon dont il voulait le dire. Et il n'y pas d'app pour ça..."

Vous trouverez l'article original ici: http://www.velocitypartners.co.uk/our-blog/why-hemingway-was-a-man-not-an-app/


Philippe Guihéneuc View Philippe GUIHENEUC's profile on LinkedIn


Autres articles sur la stratégie
Autres articles sur le ROI
Autres articles sur la visibilité
Autres articles sur la réputation
Autres articles sur le social business
Autres articles sur la lead gen
Autres articles sur la vente
Autres articles sur la fidélisation
Autres articles sur le CRM
Autres articles sur le management

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.