mardi 17 février 2015

Un mash up de Big Data (ou: ce qu'il faut savoir sur les Grosses Données)


On pourrait penser que le Big Data ne concerne pas le B2B. En effet, il y a beaucoup moins d'entreprises que de particuliers, or le Big Data s'appuie d'abord sur des volumes de data élevés (d'où son nom). Cependant, avec le développement du digital, le marketing B2B n'étudie plus seulement les entreprises, mais les décideurs, dont le nombre se rapproche des masses critiques. C'est pourquoi le Big Data envahit progressivement toutes les strates du B2B. En vue d'un événement organisé le 21 mai prochain par Innovcom sur le thème "Big Data, smart data et innovations commerciales", voici un donc quelques clés pour comprendre le contexte général de ce qui constitue peut-être la prochaine grande avancée sociale, économique et technologique de la planète.



L'analyse ci-dessous n'est pas à proprement parler une création, mais plutôt un mash up de publications, d'articles et de livres blancs dont je me suis souvent contenté de copier-coller les lignes les plus significatives. Les ressources qui m'ont permis de produire ce digest sont disponibles en pied de page, avec le lien permettant d'y accéder pour une lecture approfondie.

Les enjeux

Nous sommes dans l'ère de l'information, et même désormais dans l'ère de la surinformation. Avec le web puis les RS, tout est connecté, tout produit de l'information. A chaque minute écoulée, on compte sur internet au niveau mondial : 98 000 tweets, 695 000 mises à jour de statuts et onze millions de messages instantanés sur Facebook. Ce dernier s’occupe également de la gestion de 50 milliards de photos.

Le volume de données numériques fait plus que doubler tous les 14 mois. L'émergence et le développement des objets connectés va encore accélérer la production de data. Selon la Commission européenne, un Européen dispose en moyenne de deux objets connectés en 2012. En 2015, il en disposera de sept. En 2020, il y aurait entre 30 et 80 milliards de nouveaux objets connectés dans le monde.

Il faut se souvenir que l'ordinateur de bord de la fusée Apollon 11 avait 4 ko de mémoire vive. Et que ça ne l'a pas empêché de se poser sur la lune. Imaginez ce que peuvent faire des centaines de millions de serveurs et d'ordinateurs connectés entre eux (Selon IDC, on comptera en 2016 dans le monde plus de deux milliards d’ordinateurs connectés à Internet) et accédant à 150 To de données par jour.

Le volume de données est l'un des trois critères qui définissent le Big Data. les deux autres sont la vitesse de traitement des données et la variété des données traitées. Ce sont les 3V (Volume, Velocity et Variety), définies par le Gartner Group, qui permettent théoriquement de classer une application comme "Big Data ou non". Mais dans les faits, on parle de Big Data quand l'application ouvre de nouveaux champs possibles grâce aux 3V.

Prenons l’exemple de la vidéo : une vidéo est fondamentalement différente d’une image et en même temps une vidéo n’est autre qu’une succession rapide d’images (au moins 24 images par seconde). Ainsi, en changeant la quantité, on change aussi la nature des choses. Le Big Data ouvre d'immenses perspectives, il autorise tous les paris. Le big data est une porte ouverte à l'audace!

C'est pourquoi, quand on parle de Big Data, on doit se placer dans la perspective d'une révolution, pas seulement technologique, mais culturelle. «La valeur de l’informatique était de créer des outils pour manipuler les données puis dans la création des process qui manipulent ces outils. Maintenant, on se rend compte que la valeur se trouve dans la donnée elle-même». Gaëlle Recourcé, Directrice Scientifique, Evercontact

Exemples d'applications Big Data: bénéfices dans les domaines marketing et ventes

L'évolution la plus remarquable concerne probablement le CRM. Considéré comme le noeud central de la relation client, le CRM concatène des données hétérogènes de sources multiples: relation commerciale directe, échanges par email, rencontres salons, échanges via les réseaux sociaux etc. Le Big Data permet de lancer des analyses sur cet ensemble de données et d'en déduire des recommandations: quels prospects pourraient avoir un projet en ce moment, quel produit pourrait intéresser ce client en up selling... De nombreuse solutions, comme Salezeo, se couplent avec des moteurs d'analyse Big Data ou Smart data (comme Getplus) pour déduire d'un ensemble de signaux comportementaux des pistes d'opportunités à fort potentiel de signature.

Plus généralement, le Big Data permet à beaucoup d’entreprises d’envisager une transformation de leurs points de vente et du rôle de leurs vendeurs. Equipé d’une tablette un vendeur pourra par exemple accéder à l’historique d’activités de ses clients ou à des recommandations personnalisées et ainsi compléter son propre jugement en face à face sur un point de vente.

C'est encore plus vrai de la relation online. Cela se constate particulièrement avec le développement (l'explosion) du re-marketing/RTB/retargeting : les messages publicitaires prennent désormais en compte le comportement passé de l'internaute et n'affichent plus que des publicités/messages email qui sont corrélés avec le besoin probable de la cible.

Le Big Data permet aussi de créer du contenu, grâce aux "robots-journalistes" (on parle plutôt de systèmes-journalistes). Utilisés par exemple par Yahoo pour les brèves sur les résultats sportifs, ils sont capables de phrases simples, mais pas d'humour ou de créations stylistiques. Quoi qu'il en soit, ils constituent une solution crédible à la problématique de création de contenus, indissociable de toute stratégie marketing&commerciale... à un coût proche de zéro. Le principal logiciel d’écriture automatique Automated Insights a rédigé plus de 300 millions textes en 2013 à un rythme de 9.5 textes par seconde.

Voici quelques exemples d'innovations marketing et commerciales utiles dans certains secteurs d'activité.

Assurance

L’assurance, dont le modèle économique est basé sur la gestion du risque et donc la connaissance des individus et les analyses statistiques, est logiquement un des secteurs les plus impactés par l’essor du Big Data. En effet, l’hyperconnectivité des individus et ainsi la récolte de données massives permettent une connaissance très précise des modes de vie de chacun : qualité de sa conduite automobile, hygiène de vie, gestion du foyer peuvent être mesurés avec finesse grâce aux données connectées.

Si l’assurance accède à ces données, il lui sera alors facile de faire évoluer ses produits, ses garanties et ses méthodes de gestion de risques pour envisager une offre extrêmement personnalisée en fonction du profil de l’assuré.

Les assureurs auto ont été les premiers à explorer les opportunités Big Data avec des formules « Pay as you drive ». Les assureurs américains Progressive et Allstate viennent ainsi de lancer des offres où le calcul de la prime prend en compte non seulement le nombre de kilomètres parcourus mais aussi une évaluation du comportement de l’assuré à travers des données comme l’heure à laquelle il prend la route, le nombre de freins brusques, le nombre d’accélérations rapides et la vitesse. Restituées sur un espace privé en ligne, ces données une fois analysées donnent lieu à des tarifs minorés ou majorés.

Ecommerce

Le ecommerce est un autre secteur parmi les plus concernés.

- Une application assez évidente du Big Data réside dans l'adaptation de l'offre d'un site au profil du client et à son comportement de visite. Longtemps apanage de sites marchands aux ressources importantes, les algorithmes de personnalisation et de recommandation deviennent accessibles avec de nombreuses offres SaaS (Sparkow, Tynyclues, Nosto, Ezako, NuuKik, Target2Sell, PlanetWorld, etc.)

- Idem pour la fixation des prix (Dynamic Pricing). Par exemple, Boomerang Commerce permet aux e-commerçants d'ajuster leurs prix en temps réel en fonction de ceux d'Amazon et d'autres e-commerçants. Le logiciel parcourt les sites de la concurrence et analyse les prix d'un produit donné. Il peut ensuite ajuster le prix automatiquement, à la hausse ou à la baisse.

- Afin d’améliorer les interfaces de sites marchands, de très nombreuses sociétés proposent d’utiliser des tests A/B qui visent à exposer deux groupes de clients à deux pages différentes afin de déterminer la plus efficace en terme de souscription ou de vente. Les méthodes du Big Data investissent désormais le champ de la conception d’interfaces en analysant simultanément en temps réel des milliers - voir des millions - de parcours de navigation en y appliquant des analyses statistiques afin de déterminer l'interface la plus performante.

Tourisme

Le moteur de recherche de voyage Kayak a innové en misant sur les analyses prédictives permises par le Big Data. Ils proposent la visualisation d’un pricegraph  montrant l’évolution des prix dans les 7 prochains jours avec une fiabilité supérieure à 80%. Ce service additionnel s’impose comme une contribution majeure à la décision d’achat. L’analyse à très grande échelle de l’évolution des prix de ses différents partenaires permet à Kayak de donner aux utilisateurs des prédictions qu’aucun autre comparateur se risque à faire.

Autre exemple d'application pour le tourisme: la traduction. Il y a moins de dix ans, beaucoup de systèmes de traduction étaient basés sur l’apprentissage des règles (d’orthographe, de grammaire, …). En 2006, Google lançait Google Translate en prenant une approche complètement différente, basée sur la comparaison d’un gigantesque ensemble des données scannées par Google en plusieurs langues (les sites d’entreprises multilingues, les documents officiels de l’UE, les livres numérisés, …). Les traductions collectées ne sont pas toutes au même niveau, certaines sont peut-être erronées. Mais qu’importe ! Le volume de données collecté est tellement gigantesque que les quelques erreurs collectées seront vite noyées dans la masse. A ce jour, Google Translate est de loin le traducteur le plus abouti couvrant plus de 60 langues.

Freins et limites

Comme toute révolution, le Big Data va détruire pour créer. Il paraît nécessaire d'en anticiper les principaux impacts.

Accompagner le changement. 

La révolution du Big Data est d'abord une révolution culturelle. Les volumes de données sont tellement importants que les décisions ne sont plus prises par causalité mais par corrélation. En clair, une prédiction Big Data ne s'appuie pas sur un lien de cause à effet, qui parle au bon sens; mais à une analyse statistique dont les fondements sont trop complexes pour être compréhensibles. Une prédiction Big Data ne s'explique pas! Pas toujours facile à admettre quand on est commercial et qu'on nous dit d'appeler de préférence les banques en semaine 25 et les industries laitières en semaine 26.

Organiser le changement

L’arrivée des méthodologies Big Data bouscule quelque peu les métiers historiques du marketing. L’outillage croissant des décisions marketing, le pilotage des actions et de leur budget nécessitent de nombreuses nouvelles compétences. Au côté du Directeur Marketing (Chief Marketing Officer, CMO), on voit apparaître des Chief Data Officer, voire des Chief Digital Officer. Si de nouveaux métiers au sein de la fonction marketing émergent (data scientist, data analyst, data visualizer), ce sont la plupart des métiers historiques qui évoluent profondément avec le digital (études, media planning, RP, etc.)


Annexes

Notions techniques de base (vraiment de base)

Le Big Data s'appuie sur un ensemble de techniques/technologies/méthodes dont voici un très bref aperçu.

Le cloud computing, qui permet de dématérialiser le stockage, est la première couche technologique indispensable à un traitement Big Data. Un tiers des données seront stockées dans le cloud d’ici à 2020 selon Stéphane Grumbach de l’INRIA. Le cloud permet aussi de "louer" de la puissance de calcul nécessaire pour le traitement de volumes lourds sur une période de temps très courte. Ce qui rend le Big Data accessible à des PME aux moyens limités... et à des start ups portant des projets originaux.

La deuxième couche technologique est Hadoop, un environnement créé en 2004 par Doug Cutting, qui organise les traitements selon des grilles de disponibilités de serveurs dans le cloud. Selon IDC, 98% des entreprises qui portent des projets Big Data utilisent Hadoop.

L'accès aux données peut se faire soit via des accords privés, soit en collectant de l'Open Data. L'Open Data est une source de données publiques, mises librement à disposition du plus grand nombre par des associations ou des états. Ainsi Barack Obama (dont le succès aux élections de 2008 s'explique en partie par l'intégration dans son équipe de campagne de data scientists capables de prévoir les attentes du public dans les régions qu'il visitait) a-t-il créé data.gov, qui recense 450 000 fichiers sourcés auprès de 172 organismes.

L'étape suivante consiste à élaborer des algorithmes qui permettent de traiter les données en vue d'établir des recommandations. L'un des aspects les plus révolutionnaires en est le machine learning. C'est une innovation mathématique qui permet à l'algorithme d'apprendre de ses erreurs. Pour ce faire, on introduit dans l'algorithme le résultat réel obtenu (par exemple le résultat réel d'élections); l'algorithme corrige ses erreurs de lui-même.

Les ressources

Voici les ressources dans lesquelles j'ai puisé sans vergogne pour produire le mash up.

Big Data a revolution that will transform how we live work and think, co-rédigé par Viktor Mayer-Schönberger et Kenneth Cukier.

Big data, l'accélérateur d'innovation, très remarquable publication collective dans le cadre du G9+, sous la direction de Luc Bretones

Les articles du blog http://www.strategies-transformation-innovantes.fr, administré par Cap Gemini Consulting

Cet article d'Alliancy Le Mag, qui recense quelques start up du domaine, dont nos amis Data Publica et Bime.

Le blog de Business Decision



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