Cinquième partie d'une série d'articles sur la négociation:
Les formes de la négociation
Préparer une négociation: la phase amont
Choisir une stratégie de négociation
Rôles et tactiques au cours d'une négociation
La conduite d'une négociation
Avertissements:
- La négociation est ici évoquée comme technique professionnelle dans un contexte d'achat/vente ou de discussion entre professionnels. Par souci de clarté, il arrive nous citions des cas tirés de la vie quotidienne: négociation sur le prix d'un logement, candidature de recrutement, discussion familiale. Il conviendra donc de faire la part des choses: si l'on négocie dans la vie de tous les jours (et parfois sur des enjeux importants), il est évidemment malsain d'utiliser un stratagème déloyal pour obtenir d'un enfant qu'il se couche, ou d'un ami qu'il vous prête sa voiture. A l'inverse, seule une minorité songerait à critiquer la vieille tactique du bon et du méchant si elle permet d'obtenir les aveux d'un criminel avéré. Les outils sont... les outils, c'est à dire ni bons, ni mauvais intrinsèquement. Seule leur finalité peut faire l'objet d'une critique morale.
- Bien sûr, la meilleure des négociations est fondée sur la sincérité et la recherche d'une solution gagnante pour toutes les parties... Malheureusement, dans ce monde imparfait sincérité et positivisme ne sont pas toujours suffisants. Il arrive aussi - pas si rarement, en fait - que votre vis-à-vis ne partage pas votre bonne volonté. C'est pourquoi il me paraît utile d'étudier la négociation sous toutes ses formes, les plus nobles comme les plus laides.
- Pour illustrer le propos sont régulièrement cités des passages de 'Saint Germain ou la négociation' de F. Walder.
Les formes de la négociation
Préparer une négociation: la phase amont
Choisir une stratégie de négociation
Rôles et tactiques au cours d'une négociation
La conduite d'une négociation
Avertissements:
- La négociation est ici évoquée comme technique professionnelle dans un contexte d'achat/vente ou de discussion entre professionnels. Par souci de clarté, il arrive nous citions des cas tirés de la vie quotidienne: négociation sur le prix d'un logement, candidature de recrutement, discussion familiale. Il conviendra donc de faire la part des choses: si l'on négocie dans la vie de tous les jours (et parfois sur des enjeux importants), il est évidemment malsain d'utiliser un stratagème déloyal pour obtenir d'un enfant qu'il se couche, ou d'un ami qu'il vous prête sa voiture. A l'inverse, seule une minorité songerait à critiquer la vieille tactique du bon et du méchant si elle permet d'obtenir les aveux d'un criminel avéré. Les outils sont... les outils, c'est à dire ni bons, ni mauvais intrinsèquement. Seule leur finalité peut faire l'objet d'une critique morale.
- Bien sûr, la meilleure des négociations est fondée sur la sincérité et la recherche d'une solution gagnante pour toutes les parties... Malheureusement, dans ce monde imparfait sincérité et positivisme ne sont pas toujours suffisants. Il arrive aussi - pas si rarement, en fait - que votre vis-à-vis ne partage pas votre bonne volonté. C'est pourquoi il me paraît utile d'étudier la négociation sous toutes ses formes, les plus nobles comme les plus laides.
- Pour illustrer le propos sont régulièrement cités des passages de 'Saint Germain ou la négociation' de F. Walder.
Conduire une négociation |
Conduite de la négociation
La présentation physique est importante. Pour être
persuasif, il peut être utile de cultiver la première impression : tenue
vestimentaire, sourire chaleureux, poignée de main ferme…
Attention aussi aux règles élémentaires d’une réunion :
-
arriver à l’heure
-
éteindre son portable, éviter les interruptions
sauf si elles font partie de votre stratégie
-
ne jamais se contredire entre participants du
même bord.
-
Prendre des notes, à la fois pour montrer que
l’on est attentif, garder trace de ce qui sera dit et montrer qu’on ne laissera
rien passer.
-
Eviter d’interrompre un interlocuteur
-
Eviter de monopoliser la parole (la concision
est une règle d’or en négociation)
-
Ne jamais s’énerver : on peut feindre
l’agacement mais il faut rester maître de ses émotions.
Ecouter
L’écoute est essentielle. Elle doit être profonde. On a
généralement tendance à réfléchir à la réponse qu’on va faire avant même que
notre interlocuteur ait fini.
Demandez le plus d’éclaircissement possible à la parte
adverse sur ses positions et ses propositions. Discutez point à point. Retardez
au maximum toute concession. Demandez pour chaque concession une explication,
que vous creuserez le plus possible. Multipliez les objections, mais uniquement
des objections fondées. Sans agressivité ni mauvaise foi. N’ayez pas peur
d’accepter les arguments des autres, s’ils vous semblent justes. Ecoutez
attentivement leurs idées, même celles qui paraissent fantaisistes. Votre
adversaire ne cherche pas obligatoirement à vous piéger. Au contraire, il peut
s’inscrire dans une démarche constructive, dont vous avez à profiter. Vous
n’êtes pas seul à chercher des solutions qui puissent arranger les deux
parties. Ne craignez donc pas d’admettre que l’adversaire a raison quand c’est
le cas.
Soyez attentif aux réactions et attitudes des autres :
regards qui se voilent d’ennui, comportements agressifs, bras qui se croisent…
A propos d’un tic qu’il a observé chez son adversaire, Malassise peut prévoir
ses réactions à venir[1] :
« Je sus bientôt, selon l’angle dont il redressait cet organe combatif,
l’importance qu’il accordait aux questions. Cela me servit, comme à ces
bretteurs qui prévoient la botte de l’adversaire d’après la position de ses
pieds ».
N’oubliez pas non plus, dans votre observation de la partie
adverse, que dans une négociation à plusieurs, les adversaires se jugent entre
eux. Que leur attitude, leurs décisions, sont bien souvent influencées non
seulement par le débat qu’ils ont avec vous, mais aussi par celui qu’ils mènent
en interne.
Montrez le plus souvent possible que vous avez écouté et
compris. Montrez ostensiblement que vous prenez des notes. Hochez la tête. Usez de la
reformulation : « Si je vous ai bien compris… ». En revanche, évitez de montrer vos réactions, sauf si la
stratégie l’impose. Maîtrisez l’image que vous donnez aux autres. C’est une
chose de leur dire que vous avez pris connaissance de leurs
revendications ; c’en est une autre que de leur laisser croire qu’elles
vous conviennent.
Parler
Parlez lentement, de façon claire et concise. On affiche ainsi
la confiance qu’on a dans ses idées. Talleyrand : « On ne croit qu’en
ceux qui croient en eux ». La concision a un autre avantage : elle
évite de commettre un impair. Craignez le « mot de trop ».
N’exposez pas la proposition avant d’en avoir présenté les
arguments. Si on commence par « le prix est de 10€ » sans avoir
expliqué que la durée de vie du produit, deux fois supérieure, justifie un prix
20% plus élevé, on ne sera pas écouté.
Dans le courant de la conversation, allez de l’avant. Ne
ramenez pas sur la table les petites vexations, les incidents qui ont pu poser
problème dans le passé, erreurs des uns et des autres, blocages divers… Vous
pourrez décider de revenir sur une décision prise, mais évitez d’évoquer les
circonstances.
En situation
Il n’existe pas de négociation qui se déroule selon le plan
prévu. On commence en présentant ses objectifs dans l’ordre assigné, selon les
voies préparées. Mais l’adversaire en fait de même. Soit les objectifs d’un
point de discussion donné coïncident, auquel cas on passe rapidement au point
suivant ; soit ils s’opposent. Il faut alors faire preuve de patience et
d’adaptation, en utilisant une pause, en discutant d’un compromis ou en
cherchant une solution de contournement.
Présentation des
arguments
La technique la plus efficace pour présenter ses
propositions est d’aborder les points un à un. On commencera par traiter les
questions les plus faciles, celles pour lesquelles chacun s’accorde. Cela donne
une bonne base de compréhension et de satisfaction. Puis la route s’élève à
mesure qu’on aborde les points les plus délicats. Walder : « L’art
diplomatique s’accommode volontiers de reporter à plus tard une question
épineuse ». On aura soin d’avoir gardé dans sa musette quelques points
faciles à traiter, pour relâcher un peu l’atmosphère quand la négociation
devient trop difficile.
Les pauses
Evitez de dépasser deux heures de débat sans pause… sauf à
vouloir faire craquer physiquement vos adversaires, ce qui n'est pas seulement déloyal mais dangereux. La pause est utile à maints
égards. Elle permet à chacun de souffler. De reprendre des forces et ses
esprits. Donc de redevenir plus objectif. Elle facilite les rencontres
« dans le couloir ». Enfin, elle permet de vérifier si les arguments
de l’adversaire sont fondés.
Dans Saint Germain ou
la négociation, après plusieurs jours de discussions, Henri de Malassise
prend conscience que son plan aboutit à une impasse parce que ses adversaires
sont divisés entre eux. Il décide qu’une pause est nécessaire : « Mon
plan devenait caduc, il me fallait en préparer un autre ».
Refus
Un refus ne doit pas être pris pour définitif. Eprouvez
d’abord la résistance de vos adversaires en présentant les aspects positifs
d’un oui et les conséquences négatives d’un non. S’ils persistent, laissez-les
avancer leur propre proposition. On pourra alors chercher un compromis
(concession/contrepartie). En cas de désaccord flagrant, on cherchera une
solution de contournement.
Blocage
Quand on est confronté à un blocage, c'est-à-dire un refus
prolongé, il n’y a que trois solutions : imaginer une solution de
contournement, reporter la décision à plus tard et avancer sur d’autres points,
ou rompre les négociations.
Parmi ces trois issues, la première est évidemment à
privilégier. Reste qu’elle demande une dose d’imagination. Les principaux
freins à l’imagination de solutions de contournement sont les jugements hâtifs,
l’idée que le jeu est à somme nulle, qu’il n’existe qu’une solution, que le
gâteau est limité et que les difficultés des autres ne regardent qu’eux. Pour
trouver une solution de contournement, le mieux est d’approfondir les sources
du blocage. Pourquoi bloquez vous ?
Si on ne trouve pas de solution de contournement, proposez
des séances individuelles. Il n’est pas rare que le blocage vienne en effet de
ce que les participants n’osent se lâcher devant leurs partenaires. Une pause
dans le processus, avec des réunions « dans les couloirs », peut
alors avoir un effet bénéfique.
Autres techniques pour contourner un blocage :
organiser un brainstorming avec un spécialiste ; découper le problème en
une multitude de petits problèmes, et tâcher de résoudre l’équation pour le
plus grand nombre d’entre eux - on aura ainsi une solution partielle et les
participants auront le sentiment d’œuvrer dans le bon sens.
A suivre...
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Philippe Guihéneuc
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