Troisième partie d'une série d'articles sur la négociation:
Les formes de la négociation
Préparer une négociation: la phase amont
Choisir une stratégie de négociation
Rôles et tactiques au cours d'une négociation
La conduite d'une négociation
Avertissements:
- La négociation est ici évoquée comme technique professionnelle dans un contexte d'achat/vente ou de discussion entre professionnels. Par souci de clarté, il arrive nous citions des cas tirés de la vie quotidienne: négociation sur le prix d'un logement, candidature de recrutement, discussion familiale. Il conviendra donc de faire la part des choses: si l'on négocie dans la vie de tous les jours (et parfois sur des enjeux importants), il est évidemment malsain d'utiliser un stratagème déloyal pour obtenir d'un enfant qu'il se couche, ou d'un ami qu'il vous prête sa voiture. A l'inverse, seule une minorité songerait à critiquer la vieille tactique du bon et du méchant si elle permet d'obtenir les aveux d'un criminel avéré. Les outils sont... les outils, c'est à dire ni bons, ni mauvais intrinsèquement. C'est leur finalité peut faire l'objet d'une critique morale.
- Bien sûr, la meilleure des négociations est fondée sur la sincérité et la recherche d'une solution gagnante pour toutes les parties... Malheureusement, dans ce monde imparfait sincérité et positivisme ne sont pas toujours suffisants. Il arrive aussi - pas si rarement, en fait - que votre vis-à-vis ne partage pas votre bonne volonté. C'est pourquoi il me paraît utile d'étudier la négociation sous toutes ses formes, les plus nobles comme les plus laides.
- Pour illustrer le propos sont régulièrement cités des passages de 'Saint Germain ou la négociation' de F. Walder.
Les formes de la négociation
Préparer une négociation: la phase amont
Choisir une stratégie de négociation
Rôles et tactiques au cours d'une négociation
La conduite d'une négociation
Avertissements:
- La négociation est ici évoquée comme technique professionnelle dans un contexte d'achat/vente ou de discussion entre professionnels. Par souci de clarté, il arrive nous citions des cas tirés de la vie quotidienne: négociation sur le prix d'un logement, candidature de recrutement, discussion familiale. Il conviendra donc de faire la part des choses: si l'on négocie dans la vie de tous les jours (et parfois sur des enjeux importants), il est évidemment malsain d'utiliser un stratagème déloyal pour obtenir d'un enfant qu'il se couche, ou d'un ami qu'il vous prête sa voiture. A l'inverse, seule une minorité songerait à critiquer la vieille tactique du bon et du méchant si elle permet d'obtenir les aveux d'un criminel avéré. Les outils sont... les outils, c'est à dire ni bons, ni mauvais intrinsèquement. C'est leur finalité peut faire l'objet d'une critique morale.
- Bien sûr, la meilleure des négociations est fondée sur la sincérité et la recherche d'une solution gagnante pour toutes les parties... Malheureusement, dans ce monde imparfait sincérité et positivisme ne sont pas toujours suffisants. Il arrive aussi - pas si rarement, en fait - que votre vis-à-vis ne partage pas votre bonne volonté. C'est pourquoi il me paraît utile d'étudier la négociation sous toutes ses formes, les plus nobles comme les plus laides.
- Pour illustrer le propos sont régulièrement cités des passages de 'Saint Germain ou la négociation' de F. Walder.
Comment prévoyez-vous de mener la négociation ? Il faut
vous demander qui va dire quoi, comment
et à quel moment. Et surtout, fixer des objectifs. Les décisions stratégiques
ne peuvent être prises que par un… décideur. Assurez-vous, pendant la phase de
préparation, des libertés d’action dont vous disposez réellement. La première
négociation est bien souvent à mener en interne.
Parmi les personnes possibles, qui est la mieux placée pour
mener la négociation ? L’expérience est indispensable, elle est nécessaire
notamment pour imaginer des solutions de contournement. Elle apporte aussi un
certain recul face à l’échec comme au succès. D’une façon ou d’une autre, elle
garantit que le négociateur ne perdra pas ses moyens à un moment crucial. Parmi
les qualités nécessaires : la souplesse, la capacité d’empathie,
l’imagination, et comme le dit Malassise : « (…) d’une part certains
prestiges d’extérieur, d’éloquence, d’autre part un esprit d’habileté, de
finesse retorse ».
Avez-vous l’expérience, disposez-vous de ces qualités ?
Et surtout : avez-vous l’envie ? C’est une « immense
responsabilité solitaire qui fait la gloire et le péril du négociateur »,
toujours selon Malassise, tandis que D’Ublé, l’un de ses adversaires,
réplique : « Comment voulez-vous traiter les affaires du monde si
vous hésitez sur chaque homme, sur chaque pierre, sur chaque
arpent ? ». En somme, le bon diplomate est conscient des enjeux des
discussions qu’il doit mener à terme, mais il sait aussi se défaire de la
pression au moment opportun. Tout le monde n’apprécie pas de porter ce fardeau.
Une fois le leader désigné, on s’attache généralement à
lister les items (mapping) et définir les objectifs, puis à choisir la
meilleure solution de repli, à établir concessions et contreparties, à définir
les rôles, et enfin à préparer des tactiques – des stratagèmes.
Mapping des points de
discussion
La négociation s’engage quand deux parties sont tombées
d’accord sur l’objet d’une
transaction, mais pas encore sur ses conditions.
Pendant la phase de préparation, il est évidemment essentiel de lister toutes
les conditions soumises à la
discussion. Par exemple, si on se situe dans une négociation
commerciale : les prix, les conditions de facturation et de règlement, les
responsabilités de chaque partie … Une fois les conditions listées, on les
triera par ordre d’importance. Par exemple, un éditeur de logiciels, qui tire
l’essentiel de ses revenus de la maintenance ou de l'abonnement, met généralement la redevance
annuelle comme point de discussion prioritaire.
Les objectifs
Pour chaque point, fixez des objectifs précis. Et n’oubliez
pas que vous devrez probablement défendre chaque objectif – en particulier ceux
que les deux parties ont classés comme prioritaires. Prenez donc le temps
d’étayer solidement chaque objectif avec des arguments, des preuves, des
chiffres, des faits concrets. Par exemple : à la condition « date de
règlement », si vous proposez 30 jours, montrez une étude publiée par un
organisme indépendant qui démontre que ce chiffre correspond à la moyenne du
secteur. Et montrez-vous raisonnable. Négocier en faisant des propositions que
la partie adverse ne peut pas accepter est une perte de temps.
Dans certains cas, il peut être utile de replacer la notion
d’objectif, trop rigide, par une échelle : worst case, middle case
et best case. Dans le cas
précédent : le plancher pourrait être à 60 jours, l’objectif moyen à 30 et
l’idéal et un règlement à réception de la facture. L’échelle est particulièrement utile
quand vous êtes incertain du résultat à atteindre. Plus l’objectif est
prioritaire, plus le plancher sera proche du score moyen. A l’inverse, les
objectifs secondaires peuvent ne pas avoir de plancher (stratégie d’abandon
possible de l’objectif).
Et maintenant que vous avez fait ce travail méticuleux,
utile pour avoir à l’esprit une bonne représentation de la carte de la
négociation à venir… oubliez tout ce que vous venez de faire ! Ou presque.
Ne gardez que l’essentiel, les principaux objectifs, et quelques échelles de
valeur sur des objectifs secondaires. Car vous aurez besoin de souplesse
pendant la
négociation. Ne vous encombrez pas d’un carcan trop
rigide.
La meilleure solution
de repli.
Une fois qu’on a les idées à peu près claires sur ses
objectifs, il convient de se poser la question suivante : quid si la
négociation échoue ? Si l’affaire n’aboutit pas ?
Se poser cette question est absolument essentiel. La réponse
permet de situer l’enjeu de la négociation. Il faut avoir le courage de regarder
en face les conséquences d’un échec, même relatif.
Plus important encore : une fois ce douloureux travail
réalisé[1],
commencez à imaginer des « plans B », des solutions de rechange.
Psychologiquement, savoir que vous avez un filet de secours vous mettra en
position de force. Le pouvoir réel au moment d’une négociation ne tient pas à
la position sociale, aux moyens, ou au statut (client/fournisseur), mais à la
meilleure solution de repli dont on dispose. Il m’est arrivé de faire passer
des entretiens de recrutement pendant lesquels le candidat était en position de
choisir parmi plusieurs offres, toutes intéressantes de son point de vue,
tandis que j’étais de mon côté dans la quasi-obligation de le convaincre de
rejoindre mon client – parce que son profil correspondait parfaitement au poste
et que je n’avais, moi, aucune autre piste sérieuse.
Mieux : la connaissance de cette solution permet au
négociateur avisé de déterminer plus précisément les concessions qu’il pourra
faire[2].
Ainsi, dans le cas que je viens d’évoquer, le candidat peut aisément faire
monter les enchères.
Enfin, la connaissance de la solution de repli permet
éventuellement de prendre la décision de ne pas négocier. On peut en effet s’apercevoir
que l’on a une solution plus simple, ou plus économique, à ne pas ouvrir des
négociations qui peuvent coûter du temps et de l’argent.
La meilleure solution de repli est la seconde arme fatale du
négociateur (la première est de disposer d’un champion caché dans l’équipe
adverse). Elle comporte cependant un danger : avec un tel filet de
secours, on est plus « facile ». Or la facilité n’a pas que des
avantages. Un peu de stress n’est pas mauvais en négociation. Il convient donc
que la solution de repli envisagée soit objectivement atteignable, mais de peu
d’intérêt.
Concessions et
contreparties
Il n’est pas dit que vos adversaires discutent de tous les
points de la
négociation. Ils peuvent délibérément – ou pas – en oublier
quelques uns. Quoi qu’il en soit, préparez-vous comme si vous aviez à faire
face à une discussion serrée sur chacun des points que vous avez identifiés.
Pour chaque point, établissez des concessions possibles, et
classez-les soigneusement. Attachez-y systématiquement des contreparties. La
recherche de contreparties est un travail délicat qui demande de l’imagination.
Faute de contrepartie intelligente – C'est-à-dire adaptée à la situation -,
vous risquez de devoir faire des compromis mous. Du type de ceux qu’on trouve
sur tous les marchés de tapis du monde, où la négociation consiste à trouver un
prix compris entre les valeurs annoncées entre l’acheteur et le vendeur. Robert
Lowell (Démocratie) :
« Un compromis fait un bon parapluie, mais un mauvais toit ».
Classez les contreparties par ordre d’importance, en
attachant les plus intéressantes aux concessions les plus dures à accepter. Par
exemple : une remise contre une avancée de trésorerie, laquelle ne dérange
pas forcément l’interlocuteur qui a une trésorerie pléthorique.
A suivre: gérer les situations spéciales
[1]
Douloureux et difficile : on a naturellement tendance à s’inventer de
belles solutions de repli (« Si je n’ai pas ce job, j’en aurai
d’autres »).
[2]
On ne mentionnera évidemment pas la meilleure solution de repli mais on en
décrira une version améliorée. Par exemple, le candidat qui n’a pas d’autre
proposition d’emploi mais qui a passé des entretiens parlera de « pistes
sérieuses », quand bien même il n’a reçu aucun gage.
Philippe Guihéneuc
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